Au cours des trois premiers mois de l’année 2024, la violence liée aux gangs en Haïti a atteint des niveaux alarmants, avec au moins 2 505 personnes tuées ou blessées, selon les conclusions du Service des droits de l’homme du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH). Cette période représente la plus violente depuis le début de l’année 2022.
Tandans7, le samedi 27 avril 2024.- Les départements de l’Ouest et de l’Artibonite ont été particulièrement touchés, avec au moins 438 enlèvements contre rançon, bien que ce nombre ait diminué de 37% par rapport au trimestre précédent.
Dès la fin du mois de février, des gangs ont lancé des attaques coordonnées contre des institutions publiques et des infrastructures stratégiques de la capitale. Plus de 4 600 détenus se sont évadés des principales prisons de la capitale, tandis que des commissariats et d’autres bâtiments de police ont été saccagés ou incendiés. Cette escalade de la violence a également coûté la vie à 19 officiers de police.
Les gangs ont également continué à recourir à des tactiques brutales, y compris des violences sexuelles contre les habitants des quartiers rivaux, ainsi que le recrutement et l’utilisation d’enfants pour commettre des activités criminelles.
En parallèle, des actes de justice populaire ont été signalés, notamment dans le cadre du mouvement « Bwa Kalé », et des groupes d’autodéfense ont contribué à un bilan humain tragique, avec au moins 141 morts.
La capitale a été le théâtre de la majorité des violences, avec 79% des victimes recensées. Des affrontements violents entre gangs ont été motivés principalement par le contrôle et l’expansion territoriaux. Cependant, à partir de la fin février, la coalition « Viv Ansanm », dirigée par Jimmy Chérizier, a lancé des attaques coordonnées visant des institutions clés de l’État et des infrastructures stratégiques.
Face à cette situation critique, le Premier ministre Ariel Henry a annoncé son intention de démissionner après l’installation d’un Conseil présidentiel de transition. Pendant ce temps, le département de l’Artibonite a continué de subir des niveaux alarmants de violence, avec des gangs attaquant sans relâche les populations locales et s’impliquant dans des enlèvements. Des abus des droits de l’homme ont également été signalés dans plusieurs villes, y compris Belladère, Hinche, Mirebalais et Saut d’Eau.
La violence continue à sévir en Haïti, avec des agents des forces de l’ordre impliqués dans des violations des droits de la personne, notamment lors de manifestations antigouvernementales et d’opérations policières contre les gangs.
Après le décès d’Andrice Iskar, un leader influent de la coalition de gangs G-9, en novembre 2023, les tensions au sein de cette coalition ont explosé, alimentant un conflit sur le partage des sources de revenus. En conséquence, des gangs dissidents se sont formés, formant des alliances avec des gangs rivaux et déclenchant des attaques coordonnées.
Les quartiers densément peuplés de la zone de La Plaine ont été le théâtre d’attaques violentes, notamment par les gangs de Chen Mechan et Canaan contre ceux de Pierre VI et Terre Noire. Ces attaques ont entraîné la mort d’au moins 127 habitants en seulement cinq jours.
Dans d’autres quartiers comme Cité Soleil, les affrontements entre gangs ont également fait rage, avec des échanges de tirs entraînant la mort et des blessures parmi les résidents.
Les attaques de grande ampleur ont été enregistrées dans plusieurs localités, notamment à Saline, Wharf Jérémie, Solino, Carrefour et Gressier, ainsi que dans divers quartiers de la capitale, où les résidents ont été pris pour cible pour simplement vivre dans des territoires contrôlés par des gangs rivaux.
Les tensions entre les gangs 400 Mawozo et Krazè Baryè ont également exacerbé la violence, avec des affrontements récurrents dans plusieurs localités. Ces affrontements, ainsi que les opérations de police qui ont suivi, ont entraîné la mort et des blessures chez les civils.
La situation reste préoccupante en Haïti, avec des communautés locales prises au piège des violences des gangs et des représailles, tandis que les forces de l’ordre luttent pour maintenir l’ordre dans un climat de violence généralisée.
Dans les communes de Dessalines, l’Estère, Liancourt, Petite Rivière de l’Artibonite et Verrettes, dans le département de l’Artibonite, au moins 94 personnes innocentes ont été tuées ou blessées par des gangs. Ces actes de violence incluent des tirs indiscriminés sur des résidences et des passants, ainsi que des meurtres de personnes s’opposant à la présence des gangs dans leur zone.
Dans d’autres régions telles que Belladère, Hinche, Mirebalais et Saut d’Eau, des meurtres ont été commis par la population locale contre des membres présumés de gangs alliés au G-PèP, en réaction à leurs tentatives d’établir une base dans ces régions.
La montée de la violence a également été alimentée par des actes de justice populaire et des groupes d’autodéfense. Entre janvier et mars, au moins 62 adultes, présumés affiliés à des gangs ou soupçonnés de délits de droit commun, ont été tués par la population, souvent de manière brutale. En outre, les groupes d’autodéfense ont été responsables de la mort d’au moins 79 personnes, dont deux enfants.
Le premier trimestre de 2024 a également été marqué par une augmentation significative du nombre de personnes tuées ou blessées lors d’opérations et de patrouilles de police, avec 590 victimes, dont certaines étaient des civils non impliqués dans la violence des gangs.
Les enlèvements ont également continué à être un problème majeur, avec au moins 438 personnes enlevées au cours du trimestre. La majorité de ces enlèvements ont eu lieu dans le département de l’Artibonite, où les gangs ont fait preuve d’une extrême violence, n’hésitant pas à tuer ceux qui résistaient.
Dans le département de l’Ouest, les enlèvements ont diminué dans certaines régions, mais ont augmenté dans d’autres parties de la ville, notamment dans les communes de Tabarre et de Pétion-Ville. Les enlèvements de personnes voyageant vers les départements du sud ont également augmenté, avec des gangs ciblant des bateaux transportant des passagers pour éviter les points de contrôle terrestres.
Au cours de la période considérée, au
moins 80 personnes ont ainsi été enlevées alors qu’elles voyaient dans de petites embarcations.
Les violences sexuelles demeurent une caractéristique saillante de la violence des gangs dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. À Cité Soleil, des femmes et des jeunes filles, qui empruntaient la route de drouillard, seule route disponible pour sortir de Brooklyn, ont été interceptées par des gangs de « quartiers rivaux » et soumises à des viols collectifs. Certaines d’entre elles ont été tuées après avoir été agressées sexuellement.
Dans le centre de Port-au-Prince, des gangs ont pénétré dans des sites pour
personnes déplacées et ont violé des personnes qui s’y étaient réfugiées.
Par exemple, le 29 mars, des membres du gang Village de Dieu sont entrés dans le Gymnase Vincent, un site improvisé pour les personnes déplacées, ont enlevé deux filles, âgées de 3 et 12 ans, et les ont violées collectivement dans une zone voisine, avant de les abandonner. 6 Entre octobre et décembre 2023, au moins 693 personnes ont été enlevées par des gangs. Des violences sexuelles ont aussi été documentées dans la prison de Jacmel (département du Sud-Est).
Dans la nuit du 4 au 5 mars, des détenus
masculins se sont introduits dans le quartier des femmes de la prison et ont violé plusieurs d’entre elles. Plusieurs précédents similaires se seraient déjà produits dans cette enceinte. Vingt des auteurs présumés ont été transférés à la prison de Petit Goâve (département de l’Ouest), tandis que les femmes ont été transférées dans les cellules du commissariat de Jacmel pour assurer leur sécurité. Si les victimes ont reçu des kits sanitaires, elles n’ont pas eu accès aux services de santé.
Menaces contre les défenseurs des droits de la personne, les journalistes et les représentants de l’État suite à l’évasion de chefs de gangs notoires des deux principales prisons de la capitale les 2 et 3 mars, et à l’attaque de la résidence du Directeur Général de la police le 14 mars, les menaces à l’encontre les défenseurs des droits de la personne ont considérablement augmenté, ce qui a conduit beaucoup d’entre eux, vivant à Port-au-Prince et dans l’Artibonite, à laisser leurs habitations, à limiter leurs déplacements et à réduire leurs activités professionnelles. Par ailleurs, les résidences de l’ancien directeur de la Direction générale des impôts et du vice-président par intérim de la Cour supérieure des comptes ont été saccagées et volées lors d’attaques de gangs dans le quartier de Laboule à Pétion- Ville. Un journaliste et ancien porte-parole de l’ancien Président Michel Martelly a également été kidnappé lors d’une
attaque dans le quartier résidentiel de Vivy Michel à Pétion-Ville.
Au
cours du mois de mars, Jimmy Chérizier, le chef du gang Delmas 6, a proféré des menaces, à travers plusieurs messages audios, enregistrés par lui et diffusés sur les médias sociaux, à l’encontre de représentants de
l’Etat, de politiciens, de la police (ainsi que leurs familles), ainsi que des membres du futur Conseil présidentiel de transition (CPT).
Impact de la violence des gangs sur les enfants
L’impact de la violence des gangs sur les droits des enfants est resté
particulièrement préoccupant.
Au moins 82 enfants, dont certains n’avaient que six ans, ont été tués ou
blessés au cours du premier trimestre 2024. Près de la moitié des victimes
ont été touchées par des balles lors d’attaques violentes de gangs contre
leur quartier ou d’affrontements entre les gangs et la police. Vingt-deux
d’entre eux ont été tués ou blessés, suite à un incendie provoqué par une
explosion à l’intérieur d’un magasin, alors que des membres de la
population, encouragés par les gangs, le pillaient.
En outre, poussés principalement par le manque d’opportunités socio-
économiques, de nombreux enfants ont été recrutés dans les rangs de
gangs où, en plus d’être impliqués dans la petite déliquescence, ils ont
commis des actes extrêmement violents, notamment des meurtres, des
enlèvements, des attaques et saccages contre des institutions publiques et
l’extorsion de passants et de propriétaires d’entreprises.
Le 12 janvier, un garçon de 12 ans qui prenait un bus de transport public
a été arrêté par des membres du groupe « d’autodéfense » Caravane, à un
poste de contrôle informel, car il transportait des armes et des munitions
dans son sac à dos. Il a été interrogé, puis emmené dans un cimetière local
et tué. Les armes qu’il transportait étaient apparemment destinées à
approvisionner les membres du gang de Grand Ravine.
La violence des gangs en Haïti a eu un impact dévastateur sur les droits économiques, sociaux et culturels des habitants, en limitant fortement leur accès aux services d’éducation, de santé et en exacerbant l’insécurité alimentaire.
Pendant cette période, les gangs ont continué à extorquer les véhicules de transport et les camions de marchandises sur les routes principales de la capitale. Certains gangs exigent des paiements exorbitants, allant jusqu’à 3 000 000 HTG (environ 22 600 USD) pour chaque trajet de camion transportant des produits alimentaires ou du carburant vers les départements du sud du pays. D’autres gangs ont intensifié leurs extorsions auprès des entreprises, utilisant des moyens violents pour s’assurer des paiements.
En outre, des membres de gangs ont attaqué et vandalisé des commerces, endommageant ainsi l’économie locale. Des entreprises qui avaient payé des sommes importantes aux gangs pour fonctionner ont été prises pour cible, illustrant l’ampleur de la crise sécuritaire. Des groupes « d’autodéfense » ont également été signalés en train de percevoir illégalement des redevances auprès des personnes passant sur certaines routes.
La violence des gangs a également entraîné des dommages considérables aux biens, avec près de 957 maisons endommagées ou saccagées, ainsi que des attaques contre des entreprises privées et des véhicules. Ces actes ont contraint plus de 54 000 personnes, dont la moitié étaient des enfants, à fuir leurs habitations.
Par ailleurs, les gangs ont ciblé des institutions clés de l’État et des infrastructures stratégiques dans la capitale, notamment l’aéroport international, l’Académie de police et le Palais National. Ces attaques répétées ont semé la terreur et perturbé le fonctionnement de services vitaux, affectant encore davantage la vie quotidienne des habitants.
Dans l’ensemble, la violence des gangs en Haïti continue de compromettre gravement les droits et le bien-être des citoyens, exacerbant une crise déjà profonde dans le pays.
Tandans7